Mais les progrès de la congrégation ne cessant de s’affirmer, la diversité des appels s’accentuera. Et par là même la diversité des missions de chacun.
Clément Myionnet naît en France, à Angers, le 7 septembre 1812, dans une famille catholique qui a éprouvé le caractère antichrétien de la Révolution française.
Poursuivi par l’idée de se donner à Dieu, il découvre le service désintéressé des pauvres, puis la Conférence de Saint-Vincent de Paul, qu’il aide à établir à Angers en 1838.
Dirigé par Mgr Angebault, l’évêque du lieu, il veut fonder une communauté apte à tenir les œuvres de jeunes ouvriers dont il a découvert l’importance apostolique.
C’est à Paris qu’il pourra réaliser son désir, dans la congrégation que Jean-Léon Le Prevost veut fonder: les Frères de St-Vincent de Paul. Il devient alors le premier Frère de l’Insitut naissant, qu’il aide à fonder avec un jeune compagnon, Maurice Maignen.
C’est ainsi que la fameuse « Cité Brancion », véritable « cour des miracles », haut lieu des chiffonniers et où une consigne interdira l’entrée aux sergents de ville et aux « curés » ; …, la « Cité Brancion », disons-nous, n’en devint pas moins le fief privilégié de Clément Myionnet. Et ce par effet d’un coup de chance, savoureusement rapporté par Daniel Fontaine[1].
D’abord très tenu à l’écart, M. Myionnet s’y vit abordé un jour par une vieille au nez crochu, nommée Séraphine, qui s’est enhardie jusqu’à lui demander son âge. Le Père Myionnet donc, sans se faire prier, avait avoué ses soixante douze ans. Or, c’était aussi l’âge de la vieille ! Et de quel mois ? Septembre ! – Ah !… Moi aussi !??? A un jour près ! Ils étaient nés ensemble ! Jugez donc du succès.
Tout la « Cité Brancion » en fut prévenue aussitôt. Et du fond de la cour on entendait crier : « Mais non !… mais non ! C’est pas un curé ! Puisque j’te dis qu’il est de l’âge de Séraphine ! » Argument sans réplique ; comme on le voit.
C’est ainsi que le bon M. Myionnet, protégé désormais par Séraphine, accepté par la concierge, vit s’agrandir le cercle des nouveaux amis.
Bien plus, il en profita pour se faire accompagner par un jeune abbé, entré depuis peu dans la congrégation et qui fit là ses premières armes. On commençait, en effet, à leur signaler les malades. La sainte parole de Dieu pénétrant ainsi peu à peu. Et non seulement « Cité Brancion », mais jusqu’aux quartier des Morillons, de Plaisance, de Vaugirard, de Montrouge.
Aussi, quand vint la mort du Père Myionnet, ce fut comme un triomphe… décrit dans L’Univers, le journal de Veuillot :
N’ayant jamais été cité par la presse, pratiquement ignoré de nos lecteurs, mais bien connu, aimé et vénéré des pauvres, Clément Myionnet a vu, par ces derniers, ses funérailles transformées en triomphe. Quel cortège ils lui ont fait ! Un cortège d’amour, un cortège de reconnaissance, un cortège splendide.Tout le deuil de la mort avait pour ainsi dire disparu… Les haillons paraissaient radieux. La charité embellit tout. Elle va de celui qui donne à celui qui reçoit, et aussi de celui qui a reçu vers celui qui a donné.
[1]Cf. Daniel Fontaine : « Chez les Pauvres – Souvenirs des visites charitables de Clément Myionnet » – Paris – Auteuil : 1898, p. 5 à 13.